La femme s'émancipe, enfourche une bicyclette et enfile le pantalon, dont le port est pourtant interdit par le code civil. Ô scandale ! Mais qui sont ces nouvelles amazones, ces vampiresses fantasmées par les arts quand la réalité quotidienne de la majorité d'entre elles s'arrête aux murs de la domesticité ?
Histoire d'une célèbre duperie, vue à travers peintures, sculptures et bijoux d´une époque qui vénère autant qu'elle craint la dite « Femme Nouvelle ».
Le dimorphisme social Éminents médecins, sociologues et philosophes se penchent sur la question sexuelle, édictant des règles comportementales. La société est jugée d’autant plus civilisée que le dimorphisme sexuel y est prononcé ; autrement dit que sa population féminine est physiquement fébrile et intellectuellement attardée et que ses individus masculins sont puissants et rationnels. La femme saine garante d’une société avancée doit répondre à ces critères.
La Femme nouvelle Une forme d’anarchie sexuelle fin de siècle ébranle l’édifice ; la cause, une amazone moderne, nommée Femme nouvelle. Elle enfourche la bicyclette, usurpe le port du pantalon, fume la cigarette, s'instruit sur les bancs universitaires, reprend possession de son corps sexué. Le monde des hommes panique, la nation est en danger.
La femme libérée est une criminelle La nature a doté la femme d’une constitution fragile et menstruée. En conséquence, celle-ci ne peut cultiver son intellect qu’au détriment de son utérus, qui débilité, enfantera d’êtres ataviques ; de plus les menstruations engendrant une anémie chronique, la femme émancipée libère la potentielle vampire qui sommeille en elle. L'équation - émancipation féminine égale nymphomanie meurtrière - est renforcée par un arsenal visuel auquel participe amplement les arts fin de siècle.
Validation de l'équation La peinture académique avec son funèbre cortège de sorcières, sirènes, sphinges et autres ophidiennes donne à l’équation une validité ancestrale : depuis la nuit des temps, la femme sensuelle est une ensorceleuse bridant l’ascencion des hommes. Et le bijou Art nouveau de réifier cette théorie.
Joseph A. Kestner, Mythology and Misogyny: The Social Discourse of Nineteenth Century British Classical-Subject Painting, The University of Wisconsin Press, 1989
Shearer West , Fin de Siècle, Overlook press, 1994
Bram Dijkstra, Idols of Perversity, Fantasies of Feminine Evil in Fin-de-Siècle Culture, Oxford University Press, 1986
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